La répression contre les chrétiens protestants algériens a atteint une intensité sans précédent. Cet acharnement contre une communauté estimée entre 50 000 et 100 000 fidèles, provoque, en retour, des condamnations qui se multiplient dans le monde. En voici une qui nous vient d’Evangelical Focus (Alliance évangélique espagnole) et que nous avons traduite.
Ces derniers jours, les chrétiens protestants algériens ont manifesté pacifiquement dans la rue contre la campagne gouvernementale « injuste » de fermeture d’églises. Des groupes de croyants ont réclamé dans les rues la « liberté de culte sans intimidation ». « M. le wali [gouverneur], arrêtez la fermeture des églises », a-t-on pu lire sur une banderole rédigée en arabe et en français. « Non aux fermetures injustes d’églises » était-il écrit sur une autre banderole. Les manifestants ont également appelé à une « dérogation à la loi 06/03 de 2016 », une loi controversée utilisée pour entraver les activités des minorités religieuses.
« La fermeture d’églises s’opère de manière arbitraire et sans même la possibilité de sortir le matériel des lieux de culte. Chaises, micros, matériels, Bibles : tout est bloqué », a raconté à Evangelical Focus une source algérienne qui connaît bien la situation sur le terrain des églises. Plusieurs églises locales ont pu déménager ce qui leur appartenait vers d’autres lieux de culte quand l’intervention de la police semblait imminente. Neuf lieux de culte protestant ont déjà été fermés en douze mois, le dernier cas qui en témoigne est celle d’une grande église à Tizi-Ouzou.
L’action gouvernementale contre les groupes protestants se concentre principalement sur la Kabylie. Des croyants de la région considèrent cela comme une « provocation » avec le but sous-jacent de provoquer un type de réaction susceptible d’être réprimée « avec fermeté », précise la source. Toutefois, les dirigeants des églises ont appelé à maintenir une attitude pacifique, à ne pas exprimer d’opinions anti-gouvernementales sur les réseaux sociaux et à défendre la liberté religieuse en continuant les initiatives de prière et de jeûne qui ont commencé en mars. L’hostilité du gouvernement a débouché sur une « unité plus forte que jamais entre les églises ». La croissance sensible des communautés chrétiennes protestantes au cours des vingt dernières années, aurait pu mener à des divergences sur les questions théologiques secondaires, mais tout cela a été mis de côté « pour affronter ensemble toutes ces injustices », a déclaré à Evangelical Focus la source algérienne. Les communautés chrétiennes dont les lieux de culte ont été fermés ont profité de la collaboration d’autres groupes qui leur offrent l’hospitalité. De « nouveaux groupes à la maison » se sont mis plus tard en place. Le gouvernement algérien traverse une période confuse de transition après la démission du Président Abdelaziz Bouteflika. Abdelkader Bensalah, le nouveau dirigeant par intérim, a appelé à l’organisation de nouvelles élections.
Ces tout derniers jours, on a appris que deux autres églises de Kabylie pourraient être contraintes à fermer. Jusqu’à présent, les autorités ont justifié leurs actions en arguant du fait que la plupart des lieux de culte protestants n’avaient pas obtenu la licence exigée aux termes de la loi de 2006 connue comme le décret 06/03.
L’Église protestante d’Algérie (EPA), une entité créée voici quatre décennies et qui désormais unifie plus de quarante églises protestantes dans le pays, a dénoncé le fait que ces communautés chrétiennes ont fait des demandes de licence depuis des années mais que les autorités ont intentionnellement ignoré leurs demandes afin de les mettre en situation d’illégalité. Des experts algériens en droits de l’homme cherchent [les moyens] de déroger à la loi.
L’Alliance évangélique mondiale (AEM) est une des organisations internationales à s’être déclarée en faveur de l’Église protestante d’Algérie. L’AEM a traité de la situation lors de la session de septembre dernier du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Elle a dénoncé le fait que « les églises se trouvent dans un flou légal de non reconnaissance, donnant aux autorités toute latitude pour fermer un bâtiment après l’autre ». L’AEM, qui représente 600 millions de chrétiens évangéliques dans le monde, a appelé à « la fin de la campagne contre les églises protestantes et à la révision du processus d’enregistrement ».
Source : Evangelical Focus, 15 octobre 2019.