Le quotidien L’Alsace vient de publier un très intéressant article et fort bien documenté, qui constitue une sorte de synthèse des actes antichrétiens récents ou un peu plus anciens – plus d’une dizaine entre 2017 et 2019 –, et où s’exprime la préoccupation des responsables chrétiens – catholiques, protestants, évangéliques – sur ce phénomène nouveau par son ampleur. Ce qui est aussi nouveau, c’est que ces autorités en parlent désormais alors que, et jusqu’à un passé récent, la règle était de ne pas communiquer sur ces méfaits… On s’aperçoit aujourd’hui que ne pas parler de faits survenus, ne prémunit absolument pas contre la commission d’autres méfaits… J’ai mis en gras, dans le long article ci-dessous, l’aveu des silences passés. L’article révèle donc des atteintes contre des lieux de culte qui m’étaient parfaitement inconnus, ce qui vient à l’appui de ce que ne cesse de répéter : l’Observatoire ne traite que de la partie visible de l’iceberg, pas par choix mais par défaut de signalements… Je mets également à la fin de l’article de L’Alsace, l’encadré qu’a rédigé la journaliste et qui remarque, comme moi, que les statistiques officielles fournies par le ministère de l’Intérieur dans son communiqué du 12 février dernier, sont « sans détail […] ni répartition entre atteintes aux biens ou aux personnes, ni indications géographiques »…
Mardi matin [12 mars 2019], les paroissiens ont nettoyé l’église Saint-Louis de la Robertsau, à Strasbourg, souillée la veille […] De la mousse d’extincteur sur les bancs, de la cire répandue, le linge d’autel déchiré, une statue en bois de saint Joseph gisant au sol… Les témoignages de soutien, innombrables, ont afflué, de toute la classe politique et de tous les responsables des familles religieuses. Manière de signifier que, là aussi, ça suffit.
« Un lieu de culte, un lieu de sépulture, quelle que soit la confession, est un lieu sacré auquel on ne touche pas. C’est une règle, or il y a beaucoup d’ignorance », regrette le chanoine Didier Muntzinger, curé de la paroisse et vicaire épiscopal. « Même si les faits sont minimes, il faut être attentif. Il ne faut pas passer sous silence ce genre d’événements », ajoute-t-il.
Une plainte avait déjà été déposée il y a trois mois et le père Muntzinger demande officiellement à la municipalité d’installer une caméra de vidéosurveillance sur la place Saint-Louis, où se produisent des incivilités de longue date. Mais pas question de rester portes closes : « L’église est toujours ouverte de 9 h à 19 h, rappelle le curé. Les gens viennent comme ils veulent. C’est pour nous un lieu de rencontre entre Dieu et les hommes, il ne faut pas céder sur ce point. »
Un an plus tôt, une église de la Montagne-Verte, toujours à Strasbourg, avait été vandalisée et les auteurs s’en étaient pris au tabernacle. À l’époque, l’événement n’avait pas fait l’objet de communication.
Tous les actes ne relèvent pas d’une « haine de la foi », observe Bernard Xibaut, chancelier du diocèse de Strasbourg. Et d’évoquer les tentatives de vols début janvier dans les églises Saint-Georges et Sainte-Foy, à Sélestat. Des voleurs ont tenté de forcer les troncs, sans succès.
Pour autant, si la liste des faits remontés au chancelier n’est pas très longue, « la succession de ces derniers jours est préoccupante, dans le contexte général. » Moins d’une semaine plus tôt, le 6 mars, un vitrail de l’église catholique de Reichstett a été brisé et une porte forcée.
Pour Bernard Xibaut, il est trop tôt pour savoir si c’est le début de quelque chose. « On encourage à la vigilance des communautés chrétiennes, il faut prier dans les églises. Une église ouverte mais fréquentée par les fidèles est davantage protégée que certaines qui sont fermées. » Rien que sur ces deux dernières années, si les exactions connues sont mises bout à bout, la liste apparaît longue.
En octobre 2018, des visiteurs entraient par effraction dans l’église de Schirmeck, dans la vallée de la Bruche. L’un d’eux s’est soulagé. Des parties de l’orgue ont été arrachées. Ce même mois, à Village-Neuf, près de Saint-Louis, cinq extincteurs ont été vidés sur les bancs de l’église Saint-Nicolas. En juin 2018, à Niederbronn-les-Bains, un extincteur encore était vidé dans l’église. Des croix gammées ont également été retrouvées sur plusieurs chaises – les trois jeunes gens qui se sont fait pincer ont nié être à l’origine de ces dernières. En mai 2018, à Nordheim, dans le Kochersberg, la porte de l’église était en train de se consumer à petit feu lorsqu’une voisine a donné l’alerte. En février 2017, à Réguisheim, près d’Ensisheim, des dégradations ont été commises dans l’église, tandis que dans les cimetières, des pots de fleurs étaient renversés ou cassés sur plusieurs tombes.
Côté protestant, Christian Albecker, président de l’Uépal (Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine), a en tête trois affaires récentes, deux d’entre elles n’ont pas été ébruitées.
À Ostheim, au nord de Colmar, il y a un peu plus d’un an, des jets de pierre ont endommagé l’église. À Reichstett, non loin de Strasbourg, au mois de novembre, quatre vitres et des vitraux ont notamment été brisés – c’est dans la même commune qu’a été vandalisée l’église catholique mercredi dernier.
Et puis, il y a une dizaine de jours, c’était au tour de l’église romane de Neuwiller-lès-Saverne, qui reste ouverte pour que les gens puissent visiter et se recueillir : « Des vases ont été brisés, les documentations renversées, un sac-poubelle contenant entre autres des couches-culottes sales a été répandu sur et autour de l’autel, liste Christian Albecker. Ça a beaucoup choqué la paroisse. Il y a eu un dépôt de plainte et des caméras de surveillance devraient être installées. »
« Le choix a été fait de ne pas en parler, note-t-il. On ne sait pas toujours si ce sont des actes antiprotestants. Mais il y a une levée d’interdits dans les esprits qui est très préoccupante. Pour nous, Dieu est partout. L’église n’est donc pas sacrée, ce n’est pas dramatique, mais c’est quand même un lieu de recueillement et ce respect disparaît. » Les coupables ont depuis été identifiés, c’était deux enfants.
Les évangéliques aussi sont concernés. La petite église baptiste d’Illkirch-Graffenstaden a été taguée à l’été 2017 : la phrase découverte sur l’extérieur du bâtiment, qu’on ne reproduira pas, était sans équivoque. Le pasteur, Matthieu Hodapp, et la communauté, avaient préféré ne pas en faire publicité à l’époque. À cette attaque, ils ont un temps envisagé de répondre par un autre tag sur la façade, « Jésus t’aime ». Ils ont surtout pu apprécier la diligence des services de la municipalité, venus très vite effacer l’injure, ainsi que le soutien des habitants du quartier, qui a été un baume.
Source : L’Alsace, 14 mars 2019.