Deux articles, remontant à novembre dernier, que j’avais traduits mais sans avoir le temps de les mettre en ligne, jettent une lumière lugubre sur le sort des derniers Assyriens du nord-est de la Syrie que l’offensive turque est en train de chasser de leurs terres ancestrales de la vallée de la rivière Khabour. Le premier article a été publié en anglais par Aleteia le 1er novembre et le second, toujours en anglais, par Assyrian International News Agency le 9 suivant. Je vous suggère de les lire car je ne crois pas qu’ils aient été publiés dans un quelconque support francophone…
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Au moins 300 chrétiens ont été contraints de fuir plusieurs villes du nord-est de la Syrie alors que les forces armées turques font mouvement pour nettoyer la zone des combattants kurdes, selon une information de jeudi [31 octobre].
Le Père Nidal Thomas, curé doyen de l’Église catholique chaldéenne à Hassaké, avertit que l’exode menace de se développer.
« Nous craignons que si les combats se poursuivent, il y aura un plus grand exode qui pourra même toucher la ville de Kameshli où 2 300 familles chrétiennes vivent actuellement », a déclaré le Père Thomas dans un entretien accordé à l’association humanitaire Aid to the Church in Need.
Depuis que le Président Trump a ordonné le retrait des troupes américaines de la région, les forces armées turques ont occupé une “zone de sécurité” d’une trentaine de km de large, dont ils ont chassé les combattants kurdes qu’elles considèrent comme des terroristes.
Le Père Thomas a déclaré que l’incertitude de la situation alimente le problème auquel concourent aussi les actions des forces turques.
« Nous ne savons pas ce qui se passe vraiment, a-t-il déclaré. Chaque heure nous entendons des rapports des Kurdes, des Turcs, des Américains et des Russes, sur des victimes et sur des gens qui fuient. Mais nous ne connaissons la vérité vraie. La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est que les bombardement et, par dessus tout les massacres perpétrés par les Turcs contre notre communauté forcent de plus en plus de chrétiens à fuir ».
Il a précisé que deux tiers des chrétiens avaient quitté la Syrie, et que le dernier tiers risque d’être incapable de survivre.
« Et pendant ce temps là, les pays occidentaux se battent entre eux pour démembrer la Syrie qui a déjà été mise à genou par les sanctions internationales », a-t-il dit. « Il y avait des milliers de familles chrétiennes dans notre pays. Personne n’a essayé de nous défendre ».
Une des craintes qui ont été exprimées après le retrait des troupes des États-Unis, fut celle de la nouvelle vulnérabilité des Kurdes dans la région, retrait qui a eu aussi pour conséquence de renforcer l’État Islamique dormant. Les forces kurdes gardaient les prisons où s’accumulaient les militants capturés de l’EIIL, mais l’urgence subite de se défendre eux-mêmes face à l’avancée des troupes turques a diminué le nombre des gardiens de prisons. Le Père Thomas a signalé qu’un grand nombre de combattants de l’EIIL ont rejoint l’Armée nationale syrienne soutenue par la Turquie, qui s’est emparée de Ras al-Aïn, et que la menace d’une renaissance djihadiste est toujours présente. « C’est une éventualité dont nous devons, malheureusement, tenir compte », a-t-il commenté.
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L’offensive militaire turque au nord-est de la Syrie, a conduit à l’évacuation des groupes minoritaires, et tout spécialement des villages assyriens le long de la rivière Khabour.
Tall Cedaya, une de ces villages touchés, est situé à 5 km au sud de Tall Tamr, dans la Syrie du nord. Plus de vingt familles l’ont quitté, une seule y demeure.
Jamel et les cinq membres de sa famille sont les seuls à être restés dans le village. « Je veux que la communauté internationale sache que les opérations turques se poursuivent, et elle n’a rien fait pour l’arrêter », a-t-il déclaré à Kurdistan 24. « Les États-Unis nous ont trahis » a-t-il ajouté. « Le Président Trump dit une chose le soir et une autre le lendemain matin ».
Le village de Tall Tamr et les villages assyriens qui l’entourent, avaient été précédemment évacués en raison d’une attaque du soi-disant État Islamique et de sa prise de contrôle de vastes zones en Syrie. Les habitants les évacuent de nouveau depuis le commencement de l’offensive turque.
Wardya, une Assyrienne de 55 ans habitant le village, a déclaré que les forces turques avaient coupé l’alimentation en eau potable. « Qu’avons-nous fait pour mériter ça ? Ici, ce sont les terres de nos arrières arrière grands-parents, et nous ne partiront pas quoi qu’ils fassent de nous », a-t-elle dit.
Avant que l’État Islamique ne passe à l’attaque, plus de 25 000 personnes vivaient le long du fleuve Khabour dans le nord-est de la Syrie, et la majorité d’entre elles étaient des chrétiens assyriens. Après l’occupation par l’État Islamique, il n’en restait plus que 1 200. Sur les 33 villages chrétiens de la Khabour, seuls 18 sont encore peuplés de quelques familles.