Alors qu’une partie de la diaspora assyrienne salue le projet de la Chambre des représentants des États-Unis de financer et d’armer spécifiquement les groupes combattants chrétiens en Irak (voir Christianophobie hebdo n° 72, 23 mai), le patriarche Sako vient d’exprimer avec force son opposition résolue à un tel projet. Ce n’est pas la première fois que le patriarche de Babylone des Chaldéens exprime son désaveu des « milices chrétiennes » (voir ici et là notamment). La condamnation est sans appel mais elle vient d’être vivement critiquée par une toute nouvelle organisation, la Confédération assyrienne en Europe, créée le 22 avril (voir Christianophobie hebdo n° 70, 9 mai), et dont nous traduirons ultérieurement la mise en point tout en regrettant cette controverse.
[Il convient de préciser que si le mot « milice » est connoté plutôt défavorablement en France, il ne l’est pas du tout aux États-Unis]
Le Congrès américain pourrait à court terme autoriser le financement d’une distribution d’armes et de fournitures militaires destinée de manière préférentielle aux prétendues « milices chrétiennes » qui opèrent dans la plaine de Ninive, justifiant cette opération par le fait qu’elle ferait partie intégrante de la guerre contre les djihadistes du prétendu État islamique et constituerait une conséquence concrète de la définition de génocide donnée par ce même Congrès aux violences contre les chrétiens perpétrées par les djihadistes du prétendu État islamique. Un projet de loi, sur lequel les législateurs américains seront appelés à se prononcer, vise à faire insérer dans le budget de la Défense des États-Unis, le financement et la distribution d’armes aux prétendues « milices chrétiennes » dans le cadre de la lutte contre les djihadistes. Une disposition parlementaire avait déjà par le passé crédité des fonds en faveur des forces de sécurité locales dans la plaine de Ninive. Le nouveau projet fait référence de manière spécifique à des « milices chrétiennes » comme destinataires privilégiés du soutien logistique et militaire américain. « La Commission estime que les États-Unis devraient soutenir des groupes locaux, équipés de manière adéquate et opérationnels, comme les milices chrétiennes irakiennes, ayant une mission de sécurité nationale ». L’initiative, soulignent des moyens de communication américains tels que Christian Today, arrive dans la foulée de la décision prise à l’unanimité de qualifier de génocide le traitement réservé aux chrétiens et aux autres minorités par le prétendu État islamique. Steve Oshana, directeur exécutif de l’organisation A Demand for Action – l’un des groupes de pression se battant en faveur de la protection des chrétiens – a qualifié cette initiative de « progrès important ». Selon lui, « les forces chrétiennes en Irak et en Syrie ont passé les 18 derniers mois à se consolider et un groupe a déjà reçu le soutien des États-Unis en Syrie ». Le patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako, est quant à lui convaincu que la décision de fournir des armes à de prétendues milices chrétiennes « est une très mauvaise idée. Elle fait comprendre à quoi tend réellement cette déclaration relative au génocide ». Selon le patriarche, « il n’existe pas de milices chrétiennes mais seulement des groupes politisés et des personnes simples qui ont un besoin désespéré d’un salaire. Les chrétiens demeurés en Irak sont seulement les pauvres et ceux des couches moyennes. Parmi eux, se trouvent 100 000 évacués ». Voici quelques jours, de nombreux réfugiés chrétiens ont été contraints de signer une « déclaration de fidélité » à la région autonome du Kurdistan irakien et à son président, Massoud Barzani. « Maintenant, explique le patriarche à l’Agence Fides, les Arabes sunnites veulent créer une région autonome à Mossoul avec l’appui de la Turquie alors que les Kurdes veulent accentuer le processus d’indépendance du Kurdistan. Un autre groupe politique chrétien est appuyé par le gouvernement central de Bagdad. Une confusion totale règne ! Tous veulent instrumentaliser les chrétiens de la plaine de Ninive en fonction de leurs ambitions et leurs intérêts politiques. Cette zone se trouve à la limite. Il s’agit d’une région comprenant différentes ethnies et communautés religieuses, une zone de division entre la région dominée par les Kurdes et celle dominée par les arabes sunnites. Tous considèrent les chrétiens de ce secteur dans la perspective de leurs propres intérêts, économiques ou politiques. Je crains que tous ces discours ne transforment la plaine de Ninive en une région de conflits continuels, sachant que, si cela était le cas, aucun chrétien ne retournera chez lui. Les chrétiens, s’ils veulent avoir un avenir, ajoute le patriarche, doivent s’intégrer aux institutions et suivre les autorités légitimes qui gouvernent le lieu où ils vivent. Les États-Unis, s’ils veulent réellement vaincre le prétendu État islamique, doivent soutenir les armées régulières qui dépendent du gouvernement central et du gouvernement autonome du Kurdistan au lieu de créer des milices sectaires ».
Source : Agence Fides, 19 mai
N’ayant aucune information fiable sur la situation réelle des Chrétiens qui participent, disent-ils, à la défense de leur pays, je me permets simplement de dire ceci : si, effectivement, il s’agit uniquement pour ceux-ci d’avoir un salaire, il faut appuyer entièrement Mgr Sako, car on ne doit pas user du nom de Chrétiens pour des intérêts purement matériels.
Mais s’il s’agit surtout de gens qui (même si un salaire est le bienvenu dans les conditions où vivent les Chrétiens d’Irak) estiment qu’ils ne peuvent laisser à d’autres la totalité de leur défense, d’autant que celle-ci peut alors être gravement défaillante, si Mgr Salko adopte une position principalement politique, voulant surtout que les Chrétiens « s’intégre[nt] aux institutions et suiv[ent] les autorités légitimes qui gouvernent le lieu où ils vivent » – alors qu’il paraît souvent difficile de savoir quelles sont ces autorités légitimes – et si le fond de sa pensée, c’est qu’il ne veut pas d’armées chrétiennes pour défendre les Chrétiens, il faudrait lui demander s’il condamne le pape Saint Pie V, qui a animé une flotte militaire pour défendre la Chrétienté contre les Ottomans, armée qui a été victorieuse à Lépante, avec le secours de Notre-Dame du Rosaire invoquée par des millions de priants.
Certes, ces priants font peut-être actuellement défaut… et c’est là que le bât blesse.