Nous avions déjà signalé la parution de ce livre 1 de Martin Mosebach dans le numéro 2 (mars 2019) de Chrétiens Persécutés (un PDF de cette livraison pourra vous être adressé sur demande). Une nouvelle et intéressante recension 2 due à Raymond Ibrahim a été publié par Coptic Solidarity. Nous estimons qu’elle devrait intéresser nos lecteurs qui ne manqueront pas, tout comme nous, de regretter que cet ouvrage ne soit toujours pas traduit en français…
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Pour en apprendre le plus possible sur les 21 chrétiens coptes martyrisés par l’État islamique (EIIL) sur le rivage libyen en 2015, pour avoir refusé d’abjurer leur foi, l’écrivain Martin Mosebach s’est rendu dans leur patrie égyptienne où il a mené des entretiens avec des membres de leurs familles, des membres du clergé local, et s’est imprégné de la culture et de l’ambiance du mode de vie copte.
Le résultat est un récit qui alterne entre tragédie et triomphe, entre des morts insensées et une inébranlable persévérance, entre le passé et le présent.
Parce que le martyre est un aspect tellement normal de l’expérience copte, Mosebach écrit « plus tard, me demandant si j’avais vraiment appris quelque chose sur les martyrs pendant les semaines où je suis resté à El-Aour – où la plupart d’entre eux vivaient –, je ne savais pas trop bien quoi répondre ». Ni l’Église copte (connue historiquement comme « l’Église des martyrs ») ni les parents des tués n’ont considéré le martyre de ces derniers comme quelque chose qui sortait de l’ordinaire et qui nécessitait d’être étudiée plus avant. Les martyrisés – des travailleurs subalternes qui passaient leurs vies à gagner de l’argent pour l’envoyer à leurs familles en Égypte – n’ont pas semblé beaucoup se soucier d’eux-mêmes comme individus mais plutôt en tant que représentants du collectif.
Mosebach s’est débrouillé pour rassembler suffisamment d’informations de première main afin d’offrir une théorie convaincante sur les séries d’événements qui ont abouti à leur massacre. Le récit signale un meneur d’une extraordinaire piété, encourageant ses compagnons captifs à persévérer malgré les coups et les menaces de mort, et un de leurs gardiens, membre de l’EIIL, qu’on signale s’être converti au christianisme et avoir pris la fuite après avoir été témoin de leur foi inébranlable.
Bien que le gros de l’ouvrage traite systématiquement de sujets périphériques – l’histoire des Coptes, leur langue, leur culture et leur liturgie –, l’essentiel devrait être profitable aux lecteurs occidentaux. Bien que « les Coptes aient pas mal ou beaucoup souffert depuis la conquête musulmane du pays au VIIe siècle, autrement dit que cela a été très dur pour eux pendant les quelque mille quatre cents dernières années », les choses ont changé à l’époque coloniale : « Parmi les Anglais, on a pu respirer de nouveau, se rappelle un Copte, mais on a payé ça plus tard […] Aujourd’hui, on nous considère comme la cinquième colonne, des subversifs au profit de l’Amérique ».
Le livre regorge aussi d’intéressantes friandises : « la langue des Pharaons est toujours vivante dans la liturgie copte », « le patriarche d’Alexandrie a le titre de pape depuis 249, c’est-à-dire presque cent ans de plus que l’évêque de Rome [le pape de l’Église catholique] ». Toutefois, « contrairement à l’islam, religion d’État officielle en Égypte, l’Église copte ne reçoit aucun financement du gouvernement ». De fait, et malgré son antiquité, « aucune chaire de coptologie n’est autorisée dans une quelconque université financée sur fonds publics, ce qui est un autre exemple de [la façon dont] la majorité regarde de haut le peuple indigène de son propre pays ».
Des descriptions excessivement éthérées des expériences de Mosebach et des discussions fastidieuses sur des choses comme l’architecture et les films plastiques, sont finalement compensées par les informations nouvelles et intéressantes que le lecteur occidental va découvrir sur les chrétiens coptes et leur place en Égypte, dans le contexte de leurs derniers martyrs de la foi : Les 21.
Source : Coptic Solidarity, 17 septembre 2019.
- Die 21. Eine Reise ins Land der koptischer Martyrer (Les 21. Un voyage au pays des martyrs coptes), publié chez Rowohlt en février 2018. L’ouvrage a connu une traduction en anglais chez Plough Publishing House (États-Unis) en février 2019 sous le titre The 21. A Journey into the Land of Coptic Martyrs. Il n’y a malheureusement pas, à notre connaissance, de projet d’édition d’une traduction en français de l’ouvrage.
- Il s’agit là de la version développée d’une première recension de Raymond Ibrahim, parue dans la revue trimestrielle Middle East Quarterly (volume 26, n° 4, automne 2019), publiée aux États-Unis.