Incontestablement la manifestation appelée hier à Paris par Chrétienté Solidarité a été un très beau succès. On pourra toujours disputer des chiffres, mais étant présent sur place je puis vous assuré que le nombre de 2 000 qui a circulé sur les réseaux sociaux, n’était certainement pas surévalué… J’espère obtenir plus tard dans la journée des photos et des vidéos de l’événement encore une fois organisée de main de maître par Bernard Antony, président de Chrétienté Solidarité, et de l’un de ses bras droits – oui, Bernard Antony en a plusieurs… –, l’infatigable Vivien Hoch. Il y avait là beaucoup de chrétiens orientaux, des musulmans convertis et un petit groupe de la communauté des Pakistanais chrétiens en France dont le porte-parole a prononcé une allocution en ourdou – heureusement traduite… –, nous remerciant de notre soutien militant à la communauté chrétienne persécutée au Pakistan, puis priant en cette même langue aux intentions d’Asia Bibi. Des moments très poignants. On notait aussi la présence de nombreux prêtres qui ont porté la prière de ce rassemblement auquel s’étaient associées de nombreuses organisations et personnalités, dont notre Observatoire de la Christianophobie, au nom duquel j’ai prononcé la courte allocution que voici…
J’ai entendu hier matin, sur une honorable radio chrétienne, une journaliste tenter d’expliquer que notre manifestation de ce soir serait “contreproductive” et qu’il serait plus habile de laisser Barack Obama, François Hollande ou Angelina Joly demander « humblement » la grâce d’Asia Bibi au Président de la République islamique du Pakistan.
Cette journaliste, qui s’est pourtant honorablement distinguée en écrivant un livre sur Asia Bibi, contribuant ainsi à faire connaître son calvaire dans le monde entier, estime qu’il ne faut pas « christianiser » le combat pour Asia Bibi puisque, selon elle, « ce n’est pas parce qu’elle est chrétienne qu’elle a été condamnée à mort », et que notre démarche de ce soir serait à la limite de « l’islamophobie ».
Plus surprenant encore, la journaliste estime que si, naguère, le pape Benoît XVI n’avait pas publiquement pris la défense d’Asia Bibi, elle serait sortie déjà de prison, et que si le pape François s’aventurait à s’inspirer de l’exemple de son auguste prédécesseur, ce serait une « catastrophe », autrement dit qu’Asia Bibi serait pendue…
Je ne polémiquerai pas ce soir sur de telles déclarations parce que ce serait, pour le coup « contreproductif », mais puisque la journaliste appelle, par ailleurs, à une mobilisation de la « communauté internationale », elle voudra bien nous passer de contribuer à mobiliser la communauté chrétienne qui fait partie, jusqu’à ce qu’on m’en démontre le contraire, de la « communauté internationale ».
Nous ne sommes donc pas réunis ici ce soir pour polémiquer, mais pour redire avec force qu’Asia Bibi, une de nos sœurs chrétiennes, est condamnée à mort dans son pays, le Pakistan, en application de la loi sur le blasphème du Pakistan, et que ce nous exigeons pour elle, ce n’est pas la clémence, mais la justice : une justice qui doit être égale pour tous au Pakistan, qu’on soit chrétien, hindouiste ou musulman. Et cette justice passe nécessairement par l’abrogation de la loi sur le blasphème qui a été promulguée sous la dictature du général Zia ul-Haq en 1986, dans le cadre de ses initiatives visant à islamiser la société pakistanaise.
Or, de l’aveu même d’honorables juristes pakistanais, cette loi sur le blasphème est non seulement anticonstitutionnelle, mais elle est aussi contraire à la Déclaration des droits de l’homme de 1948 des Nations Unies, et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Pakistan en 2010.
Si nous sommes réunis si nombreux ce soir, c’est bien sûr pour manifester notre soutien d’abord à Asia Bibi, parfaitement innocente de ce dont on l’accuse et qui croupit en prison depuis cinq ans !
Mais c’est aussi pour manifester notre soutien à tous les Pakistanais, quelle que soit leur religion, qui sont victimes de cette loi.
Et, enfin, c’est aussi pour demander au Président du Pakistan, à son gouvernement et à son législateur d’avoir le courage d’abroger cette loi inique sur le blasphème, parce que c’est une loi qui menace tous les Pakistanais.
Alors, non, nous n’avons décidément pas honte de « christianiser » notre protestation de ce soir, en priant pour Asia Bibi, comme prient aussi pour elle, et en même temps que nous, des chrétiens rassemblés à Madrid. Nous n’avons pas honte de combattre pour la dignité de la personne humaine, de toute personne humaine, que le Christ nous a enseignée, une dignité qui est bafouée par des lois comme celle que nous dénonçons ce soir et que nous voulons voir disparaître à tout jamais de la société des hommes.
Merci, chère et bien-aimée sœur Asia Bibi, de nous offrir par la foi rayonnant de ton épreuve, la force de mener ce bon combat et l’espérance de le gagner !
Bravo !
Rappelons pour leur rendre hommage que cette loi inique anti-blasphème avait déjà été courageusement critiquée au Pakistan même par Salman Taseer, musulman, alors gouverneur du Pendjab, et par Shahbaz Bhatti, chrétien, alors ministre des minorités, qui avaient pris la défense d’Asia Bibi et qui l’ont tous deux payé de leur vie en étant lâchement assassinés,
Voir le reportage sur Radio Notre Dame :
http://radionotredame.net/2014/politique/asia-bibi-les-manifestants-se-defendent-de-toute-islamophobie-31521/
Peut-être la diplomatie souterraine du Vatican (on l’a vu pour Meriam Ibrahim) est-elle plus efficace qu’une condamnation publique comme celle de Benoît XVI en faveur d’Asia Bibi.