La « cause d’embarras » qu’évoque l’Agence Fides tient plus à mon sens à un problème de calendrier qu’à un problème de fond. La position du patriarche de Babylone des Chaldéens est connue : il l’a de nouveau rappelée récemment à Paris. Celle des trois archevêques, un syro-catholique et deux syro-orthodoxes, n’est guère surprenante. L’alternative est simple : reconstruire avant de sécuriser ou sécuriser pour reconstruire ? Elle est simple, mais la réponse elle, est complexe. Il y a au moins un point commun, et d’importance, chez ces prélats : tout faire pour fixer les chrétiens chez eux et les empêcher de fuir leur terre natale. Ne faut-il pas en même temps reconstruire de quoi les loger et sécuriser leur réimplantation ? Car à supposer que l’État Islamique et lesautres organisations djihadistes soient chassés de la plaine de Ninive, cette dernière suscite djà bien des convoitises tant chez les Arabes que chez les Kurdes… Épineux problème !
La déclaration diffusée le 12 mai par trois archevêques […] du nord de l’Irak est actuellement cause d’embarras. Le texte demandait [l’imparfait est curieux : le texte n’a pas été retiré donc il demande toujours] en effet la création d’une zone protégée réservée aux chrétiens dans la plaine de Ninive, à placer sous protection internationale, afin de soustraire les baptisés irakiens aux persécutions et violences sectaires. La province de Ninive, parsemée de petites villes et de villages à majorité chrétienne, avait été conquise par les djihadistes du prétendu État islamique entre le printemps et l’été 2014. Au cours de ces mois, des dizaines de milliers de chrétiens irakiens avaient fui leurs villages face à l’avancée des milices djihadistes, pour trouver refuge en grande partie au sein de la Région autonome du Kurdistan irakien. La déclaration de vendredi dernier s’adressant aux autorités régionales et nationales ainsi qu’aux organismes internationaux, a été signée par deux archevêques de Mossoul – Mgr Boutros Moshe, syro catholique, et Nicodemus Daud Matti Sharaf, syro orthodoxe – ainsi que par Timotheos Musa al Shamany, archevêque syro orthodoxe de Bartellah. Les trois archevêques demandent à ce que la plaine de Ninive soit transformée en zone autonome, placée sous la protection internationale des Nations unies pour la soustraire à conflits et querelles et protéger les droits des communautés chrétiennes qui ont sur ces terres leur lieu d’enracinement traditionnel. La déclaration revendique également le droit à l’autonomie administrative pour les communautés chrétiennes de la plaine de Ninive, au sein des villages depuis peu arrachés au joug des djihadistes. Au cours de la journée du 13 mai, et de manière surprenante, le patriarcat de Babylone des Chaldéens a diffusé un communiqué officiel faisant savoir que la déclaration de la veille ne reflète pas la position de l’Église chaldéenne et ne la représente pas. Le communiqué du patriarcat, diffusé par Mgr Shleimun Warduni, renvoie à une récente déclaration du patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako. Dans ce texte […] le patriarche soulignait qu’au cours de cette phase critique la priorité des nombreux chrétiens évacués est de tenter de retourner dans leurs villes d’origine et dans leurs maisons. Cela implique l’urgence de reconstruire les infrastructures détruites y compris en profitant des aides internationales. Ce n’est qu’après le retour de la stabilité dans le pays que pourront être lancés des processus visant à demander la création de nouvelles unités administratives autonomes, comme instruments pour protéger les droits et la continuité de la présence des groupes ethniques et religieux minoritaires. Aux chrétiens, avait répété le patriarche, il convient maintenant « d’éviter de se mettre en tranchée contre d’autres, en exprimant le cas échéant des requêtes impossibles à réaliser ».
Source : Agence Fides, 15 mai