Georges Clemenceau, qui n’est pas, vous vous en doutez, ma marque d’homme politique préférée, ne manquait toutefois pas d’humour et, parfois, de bon sens. Il disait, en substance, qu’il y avait trois moments où le mensonge était roi : avant une élection, pendant une guerre et après une partie de chasse… Dans la guerre qui épuise la Syrie, le mensonge est évidemment roi et la désinformation fabriquée à dessein par chacun des camps en présence, lesquels ne se réduisent pas aux loyalistes et aux rebelles syriens se combattant, mais comptent aussi celui des éléments étrangers présents sur le terrain et les puissances mondiales, grandes, moyennes ou petites. Ma passion d’informer sur la christianophobie en général et sur les victimes chrétiennes syriennes en particulier, ne m’aveugle pas au point de tout gober et de tout régurgiter : sans être impeccable, je m’efforce d’être prudent. Ce préambule était nécessaire pour aborder le vif du sujet de ce post.
Le 26 septembre dernier, l’Agence Fides, organe officiel des Œuvres pontificales missionnaires, qui réalise et en plusieurs langues un remarquable travail d’information, mettait en ligne une dépêche intitulée « Syrie – Fatwa des ulémas de Damas portant notamment sur la légitimité de la confiscation des biens des chrétiens, des alaouites et des druzes afin d’acheter des armes ». La substance de cette dépêche fut reprise le même jour par Radio Vatican, puis par les radios chrétiennes comme Radio Notre-Dame ou le réseau R.C.F. et par d’estimables blogues catholiques francophones comme celui d’Yves Daoudal ou Belgicatho, pour ne citer qu’eux. Autrement dit, presque tous les médias chrétiens francophones – je ne parle pas ici des blogues, sites et radio en langues étrangères… – ont repris cette information. Presque tous… Il ne vous aura, évidemment, pas échappé que L’Observatoire de la Christianophobie ne l’a pas reprise. Avait-elle échappé à ma vigilance ? Non, et comment aurait-elle pu y échapper puisque me sont tombées sous les yeux, depuis quatre jours, d’innombrables reprises de l’original. Pour tout dire, que 35 oulémas de Damas aient décrété une pareille fatwa, alors que le régime de Bachar Al-Assad tient d’une main de fer la capitale syrienne, m’avait semblé suspect… À Raqqa, dans la partie d’Alep occupée par les rebelles, je ne dis pas… mais à Damas !
Or, j’ai reçu hier, d’un lecteur belge que je remercie, un document assez troublant que je crois de mon devoir de vous communiquer.
Voici, d’abord, la copie du texte de cette fatwa, document reçu par l’Agence Fides. On observera qu’il n’est pas daté – ce qui est curieux pour un document juridique – et on prêtera attention aux signatures des 35 oulémas qui l’ont paraphée…
Comparez donc le document ci-dessus avec celui qui suit : un texte signé par des oulémas le 8 août 2011, au tout début des événements en Syrie, et dénonçant la violence et le sectarisme (un document qu’on me garantit être authentique et fort connu en Syrie)…
Qu’observons-nous ? Que la liste des signataires est identique, qu’il s’agit de la même liste que celle qui apparaît sur le document reçu par l’Agence Fides et communiqué le 26 septembre. En d’autres mots, tout semble indiquer qu’il s’agirait d’un copier/coller du bloc de cette liste de 2011 sur un document de 2013… Je peux me tromper, mais je pense qu’il pourrait bien s’agir d’une forgerie. Je suis, bien sûr, ouvert à toute contestation de mon sentiment et disposé à publier ici même toutes les explications et les objections qu’on voudra bien me faire parvenir. J’aime Socrate, mais je préfère la vérité.
Merci M. Hamiche de la prudence qui vous honore et merci de m’avoir appris un nouveau mot de vocabulaire !
Ne pensez pas M. Hamiche que je veuille vous chercher des poux dans la tête, car la contestation que je veux apporter ici porte juste sur un nom, pas sur le sens que vous vouliez donner à votre citation. C’est juste pour établir l’exactitude sur un minuscule point. En effet, sauf erreur de ma part, votre dernière phrase est une citation mais la citation exacte est une extrapolation d’un texte d’Aristote qui signifiait “J’aime Platon, mais je préfère la vérité”
Sources : http://www.philalethe.net/post/2006/06/09/285-aristote-platon-et-l-amitie
…..Où apparaît pour la première fois ce dit d’Aristote ? Il semble que ce soit au début de l’”Éthique à Nicomaque” quand Aristote s’apprête à critiquer la théorie platonicienne de l’Idée du Bien :
« Il vaut mieux sans doute faire porter notre examen sur le Bien pris en général, et instituer une discussion sur ce qu’on entend par là, bien qu’une recherche de ce genre soit rendue difficile du fait que ce sont des amis qui ont introduit la doctrine des Idées. Mais on admettra peut-être qu’il est préférable, et c’est aussi pour nous une obligation, si nous voulons du moins sauvegarder la vérité, de sacrifier même nos sentiments personnels, surtout quand on est philosophe : vérité et amitié nous sont chères l’une et l’autre, mais c’est pour nous un devoir sacré d’accorder la préférence à la vérité. » (I 4 1096 12-17 traduction de J.Tricot)
La source aristotélicienne est, on le notera, beaucoup plus riche et complexe que le proverbe censé en être issu. Le souci du vrai doit être cultivé même au dépens de l’amitié: bien que je sois l’ami de Platon, je suis avant tout l’ami de la vérité. ….
et aussi
http://www.forumfr.com/blogs/b749e2350-amicus-plato-sed-magis-amica-veritas.html
Apparemment ce proverbe vient d’une paraphrase d’Aristote. Je trouve que la version grecque sonne mieux: “Φίλος μεν Πλάτων, φιλτέρα δε ἀλήθεια”.
Voilà c’est juste pour être précise.