Politologue spécialiste du Proche-Orient, Annie Laurent explique dans Le Monde des religions qu’
on peut non seulement imaginer mais désormais craindre [qu’il n’y ait un jour plus d’Arabe chrétien]. Et ce sera une catastrophe. A la fois pour l’Eglise qui n’aura plus de pierre vivante au sein même du berceau du christianisme, mais aussi pour la société orientale et à rebours occidentale. Les chrétiens d’Orient sont indispensables à cet équilibre déjà frelaté, car ce sont eux qui incarnent le relai entre les deux cultures au sein même des sociétés du Proche-Orient. Ils demeuraient jusqu’à présent les garants de la pluralité, donc de la liberté : d’expression, de penser, de contestation, de culte mais aussi de conscience. Car partout – sauf au Liban -, la loi interdit de changer de religion. “Celui qui quitte la religion, tuez-le”, rapporte un hadith attribué au Prophète de l’islam, Mohammed.
Annie Laurent réclame maintenant “des décisions concrètes” :
(…) Au Liban. Les chrétiens n’étant pas soumis à la dhimmitude, ils sont considérés, comme tout citoyen, égaux devant la loi. Mais si l’on souhaite que cette exception ne confirme pas la règle, il faut dépasser la bonne parole occidentale qui, portée par de louables intentions abreuvées de compassion, entend veiller sur les minorités opprimées au Proche-Orient. Car à force de vouloir les protéger, ne risque-t-on pas paradoxalement de les enfermer dans des ghettos? A force de sauvegarder leur marginalité, n’accentue-t-on pas aussi leurs différences, si bien qu’elles deviennent inassimilables dans leurs propres sociétés?
Si la prise de conscience s’est enfin éveillée, il s’agirait de prendre des décisions concrètes. Pourquoi la France ne passe-t-elle pas des accords bilatéraux avec l’Iraq – sous peine de sanctions – pour que les chrétiens ne soient pas seulement sous protection mais surtout libres et égaux comme leurs compatriotes? Ce n’est que dans et par cette égalité qu’ils pourront apporter à la société iraquienne ce que, seuls, ils ne peuvent : l’exigence de réciprocité.
Côme Dubois (source : Le Monde des religions)