J’ai posé quelques questions à Me Jérôme Triomphe, avocat de l’un des jeunes catholiques poursuivis pour la dégradation du « Piss Christ ». Voici ses réponses. Daniel Hamiche.
D. H. Maître Triomphe, quatre personnes sont poursuivies pour la dégradation du Piss Christ. L’affaire venait hier 19 juillet au tribunal d’Avignon pour être jugée. Que s’est-il passé ?
J. T. Avec mes confrères Jacques Trémolet de Villers, David Dassa Le Deist et Pierre-Marie Bonneau, nous avons soulevé la nullité des poursuites, c’est-à-dire des convocations devant le tribunal. Ce sont ces convocations qui saisissent le tribunal de faits précis : le tribunal ne peut pas juger sur d’autres faits. Ce sont ces convocations qui doivent également permettre à chacun de savoir sur quoi se défendre précisément.
Or, les convocations font état de poursuites pour avoir dégradé « un bien culturel le 17 avril à Avignon au préjudice de la collection Lambert ». Il n’y avait aucune autre précision. Sachant que la Collection Lambert partie civile réclame la condamnation de nos clients à 250 000 € pour le « Piss Christ » et 25 000 € pour une autre photographie intitulée « Sœur Jeanne Myriam » dont la vitre a été détériorée, ni le tribunal ni les personnes poursuivies ne savaient quels faits étaient exactement poursuivis. C’est dans ces conditions qu’après avoir examiné ces nullités, le tribunal s’est immédiatement retiré pour délibérer et, devant leur évidence, a rendu un jugement annulant les convocations et se disant non saisi. Les poursuites ont donc été annulées.
Il faut savoir que procéduralement, les nullités sont plaidées in limine litis, avant le procès au fond, mais jointes au fond et le tribunal doit rendre une décision unique sur les nullités d’abord et éventuellement sur le fond. Il n’y est dérogé qu’en cas de nullité d’ordre public. Or, l’évidence de la nullité des convocations était telle que le tribunal s’est prononcé immédiatement, ce qui est relativement exceptionnel.
D.H. Mais certains médias et l’avocate de la Collection Lambert ont affirmé que le Procureur a repoussé l’audience et l’avait fixée au 19 novembre prochain ?
J. T. Pour ne pas perdre la face, le Procureur, qui est responsable de cette nullité, a annoncé à l’audience par deux fois qu’il avait d’ores et déjà fixé une nouvelle audience pour le 19 novembre à 8 h 30. Il a demandé au Président de le faire acter par Madame le Greffier mais je m’y suis opposé, faisant observer que le tribunal était dessaisi de cette affaire par le jugement d’annulation qu’il venait de rendre et que Madame le greffier ne pouvait donc plus rien acter, les débats étant clos.
La situation est donc extrêmement simple : les convocations étant annulées, les poursuites sont annulées.
Le Procureur a certes le pouvoir de reprendre de nouvelles poursuites, ce qu’il a annoncé. Mais il ne s’agit que d’un effet d’annonce. Il pourrait très bien ne rien faire. Ainsi, tant qu’aucune citation n’est délivrée, il n’y a plus de poursuites.
D. H. Que comptez vous faire si le Procureur engageait de nouvelles poursuites ?
J. T. Si le Procureur engage de nouvelles poursuites pour le 19 novembre, nous commencerons par soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC en abrégé) : il était reproché jusqu’à hier (je rappelle que les poursuites sont annulées) la dégradation d’un « bien culturel ». Or, la loi pénale ne définit pas ce qu’il faut entendre par «bien culturel” en violation des exigences constitutionnelles. Est-ce qu’un artiste qui défèque dans une boîte de conserve (il existe) et l’expose dans un musée créé un « bien culturel » ? Est-ce que tout tableau est un bien culturel ? Ou est-ce que cette notion est réservée à des biens d’une particulière importance pour le patrimoine des peuples ? Dans le cadre d’éventuelles nouvelles poursuites, nous demanderons au tribunal de soumettre cette question prioritaire à la cour de cassation qui décidera ou non de la transmettre au conseil constitutionnel. Si ce dernier considère que la question est fondée, il déclarera le texte de loi fondant les poursuites inconstitutionnel et ce texte deviendra inapplicable.
Le tribunal pourrait cependant requalifier en simple dégradation du bien d’autrui. Cependant, cette infraction constitue un délit ou une contravention selon qu’il en est résulté un « dommage léger » ou non. Le problème est que la loi pénale ne donne pas plus de définition de ce qu’est un « dommage léger ». Ce sont les tribunaux qui ont ainsi défini ce contenu, avec toute la casuistique que l’on peut imaginer. C’est simplement contraire à la Constitution qui exige qu’une loi définisse précisément et préalablement ce qui est interdit et les conséquences précises d’une action, pour éviter de soumettre la définition des infractions pénales à l’arbitraire des juges.
Un vrai triomphe ! Quel nom prédestiné pour cet avocat !
Embouchons les trompettes pour le faire savoir urbi et orbi !
Cher Daniel n’hésitez pas à prophétiser … avec l’aide de Gramsci !
de l’urine à 250 000€ cet artiste n’est pas la poule aux oeufs d’or mais ça y ressemble le tribunal n’a vraiment rien à faire