Vous connaissez tous cette expression : « Sur la foi d’une dépêche…». Quand elle apparaît au début d’un article, dans un journal ou sur un blogue, elle annonce, généralement, une rectification d’un journaliste ou d’une rédaction sur un texte préalablement publié, assortie ou non d’excuses auprès des lecteurs. Ce petit préambule, je vous en préviens d’emblée, ne précède pas des excuses que je me sentirais devoir vous faire. Les seules que je pourrais vous adresser, c’est de n’en pas en faire assez car, par manque de temps et de moyens – j’ai comme vous le savez ou pas d’autres occupations professionnelles – il ne m’est pas possible de vous signaler tous les actes de christianopobie qui se commettent chaque jour dans le vaste monde. Il me faut faire un choix sur ceux que je découvre et je ne les découvre, évidemment, pas tous, n’ayant pas la prétention d’être le Pic de la Mirandole de la christianophobie.
Revenons sur mes méthodes de travail. Elles ne diffèrent pas sensiblement de celles de mes confrères journalistes. Je m’appuie sur de nombreuses sources “premières” : essentiellement, des agences de presse, des sites spécialisés, des documents ou communiqués diffusés par des organismes officiels ou des organisations qui ne le sont pas. Ce qui fait la spécificité de ma méthode et l’intérêt informatif de ce blogue, c’est que je recours principalement à des sources anglophones, lesquelles ne se limitent pas aux pays anglo-saxons ou au monde anglophone. Ces sources “premières” peuvent aussi commettre des erreurs factuelles ou écrire des impropriétés. C’est commun, c’est même la règle du genre. En effet, ces sources “premières” ne reçoivent pas leurs informations de locutions surnaturelles, elles les rassemblent en enquêtant et en interrogeant les acteurs d’un fait, le spécialistes d’un sujet, les déclarations de témoins. Tous les policiers vous le diront : les témoignages constituent un élément non négligeable d’une enquête, mais ils ne sont pas toujours fiables. Ce n’est pas parce qu’un témoin déclare que la voiture dans laquelle les voleurs ont pris la fuite était bleu foncé, qu’elle était vraiment de cette couleur et de cette teinte. Les seuls informations que retiendra le policier : c’est que les voleurs ont pris la fuite dans une voiture – et pas dans une charrette à bras… – d’une teinte plutôt foncé – et pas d’une couleur fluo… Ces informations permettront aux fonctionnaires de police ou de gendarmerie des barrages filtrants de ne pas perdre leur temps en interpellant un quidam tirant une charrette à bras peinte en rose fluo !
Sur cette affaire du jeune homme égorgé rituellement – un dossier sur lequel j’ai passé un nombres d’heures dont je préfère ne pas faire l’addition –, je n’ai pas procédé différemment que lorsque j’ai, par exemple, traité, « sur la foi » d’une dépêche de l’Agence Fides le 9 juin dernier, de l’ultimatum lancé par l’Armée de libération syrienne (ALS) aux chrétiens de la région d’Homs de “libérer” cette région de leur présence… La dépêche de l’Agence Fides n’était pas rédigée au conditionnel. Pourtant, le lundi 11 juin, le quotidien libanais L’Orient-Le Jour signalait que des représentants locaux de l’insurrection contre le régime de Bachar el-Assad niaient toute substance à cet ultimatum signalé par l’organe d’information des Œuvres pontificales missionnaires du Vatican : « Nous avons toujours vécu en harmonie avec nos frères et sœurs chrétiens – ont ils déclaré via Facebook. Et il n’est pas vrai que nous ayons demandé aux chrétiens de partir. Il s’agit d’une fausse nouvelle, répandue par le régime qui cherche à alimenter des haines sectaires. Les familles chrétiennes sont parties, comme de nombreuses familles musulmanes il y a environ deux mois, à cause des bombardements de la ville par l’armée syrienne. » On croirait entendre le Père Roucou… Certains pourraient se dire : bon, Fides a donné une information, cette information a été niée par ceux qu’elle mentionnait comme en étant les auteurs… Fermons le ban ! Eh bien non ! La vérité est autre. Deux jours plus tard, Fides revenait à la charge confirmant la fiabilité de ses sources et donnait de nouvelles précisions : deux prêtres de Quaayr ont entendu « de leurs propres oreilles » cet ultimatum proclamé par les haut-parleurs des mosquées locales, et ajoutait que le climat d’intimidation contre les chrétiens, après cette proclamation de l’ultimatum, était tel qu’on imposait désormais aux chrétiens l’obligation de « céder le passage aux musulmans, comme du temps des califes ottomans ». Comment comprendre cette apparente contradiction ? Tout simplement. Il est possible que l’ALS n’ai pas diffusé d’ultimatum ; il est certain que les mosquées en ont diffusé un ! La réalité comptable, c’est qu’avant la diffusion de cet ultimatum les chrétiens étaient au nombre de 10 000 à Quaayr, et qu’après cet ultimatum il n’y en a plus 1 000… Ils ont jugé, sans trop s’interroger si l’ALS avait raison ou si Fides avait tort – et réciproquement –, que l’ultimatum était suffisamment sérieux pour fuir Quaayr ! Ce qui correspond à un des “buts de guerre” des islamistes : faire dégager de gré ou de force les chrétiens pour instaurer ensuite un régime fondé sur la charia.
Vous constaterez, sur cet exemple particulier, combien il est difficile d’établir la vérité des faits, mais vous conviendrez aussi que la difficulté ne doit pas inhiber notre recherche de la vérité et sa proclamation. J’y vois là, pour ma part, un service de charité. Nier ou dissimuler la vérité n’en est pas un.
Je reviens, pour conclure, sur l’incroyable attaque dont notre blogue a été l’objet par le Père Christophe Roucou – et je remercie, en passant, tous les lecteurs qui nous ont encouragé par leurs commentaires que je n’ai pas tous validés, certains auraient pu mettre leurs rédacteurs en difficulté… Le jeune homme égorgé était-il chrétien ? Le directeur du Service national des relations avec l’Islam (SRI), qui ne bénéficie pas d’une cote de champion auprès des convertis chrétiens du Maghreb ou du Moyen-Orient, « après enquête auprès des services [?] du Quai d’Orsay », opine négativement. On me signalait hier après-midi la confidence d’un Libanais qui, lui aussi, avait contacté le ministère des Affaires étrangères, pour savoir si le jeune homme égorgé sur la vidéo était un chrétien : la réponse des ses interlocuteurs – dont j’ignore l’identité et la qualité – fut en substance : peut-être que oui, peut-être que non… Le Quai d’Orsay – qui ne nous a, par ailleurs, pas fait l’honneur d’une réponse à nos deux courriels… – semble avoir donné un son de cloche au Père Roucou et un autre au Libanais. À moins que, mais là je vais frôler la pétition de principe – pardon, mon Dieu ! – le Père Roucou ait obtenu la même réponse évasive que le Libanais, mais qu’il n’en ait, pour les besoins de sa cause, retenu que la deuxième partie de l’alternative : peut-être que non… Allez savoir.
Nous avons trop d’exemples dans un passé proche ou très proche de la désinformation et des massacres ou menaces de morts sur les chrétiens lors de guerre civile et pas que dans les pays à majorité musulmane pour ne pas nous méfier de ceux qui disent que tout va bien…alors qu’ils ne veulent même pas admettre ce qui se passent devant leur porte.
L’idéologie rend plus facilement aveugle qu’un bandeau sur les yeux.
Encore mille mercis M. Hamiche pour votre travail.
Prions pour nos frères persécutées dans l’indifférence et la calomnie du monde car ne pas reconnaître leurs persécutions c’est pire que de leur cracher physiquement au visage.
avant la guerre en Irak qui a chassé SHussein il y avait un million de chrétiens il n’en reste que quelques milliers; en Syrie à Quaayr, il y avait 10 000chrétiens il n’en reste que 1000 ces statistiques avancées par plusieurs sources parlent d’elles mêmes; l’absence de réponse précise du ministère est loin d’être rassurante il existe toujours pour un ministère un moyen de démentir une propagande
En France aussi on avait un prêtre de plus il y a deux ans. Aujourd’hui, les musulmans-en-france nous l’ont enlevé et l’ont remplacé au sein du SRI par un “imam” qui “fait église”. On l’appelle imam Roucou…
Je crois qu’il faut toujours se méfier des responsables chrétiens dans les pays arabo-musulmans. Pour des raisons que l’on peut comprendre mais que je n’approuve pas.
leurs discours ne diffèrent en rien de ceux des responsables des Eglises à l’époque Soviétiques . Que l’on relise tranquillement leurs nombreuses déclarations et la réalité une fois l’empire défait. Tout le monde n’a pas le courage de Jean-Paul II.
Donc leurs discours et leurs agissements doivent être vérifiés sur le terrain auprès des chrétiens d’en- bas.
@Jonas
À qui faites-vous allusion précisément dans le contexte de mon article ?
@Jonas
Combien les chrétiens étaient-ils notamment dans le Proche et le Moyen Orient, dans l’actuelle Turquie, en Afrique du Nord il y a 14 siècles, au début du XXème siècle, en 1982 (notamment en Iraq), combien sont-ils maintenant dans les mêmes régions?
C’est vrai que l’oeuvre pontificale de l’Aide à l’Eglise en détresse, et l’Oeuvre d’Orient,par exemple, c’est pour faire “joli dans le paysage”.
Entre la retenue indispensable à la survie d’une population chrétienne dans un milieu hostile avec la prudence qui est vertu et la suspicion de collaboration et d’invention de faits par des prêtres, religieux et fidèles à la porte du martyre, il y a des pas à ne pas franchir, surtout quand on a la chance de se trouver dans un pays encore en paix civile et où la liberté religieuse est “officiellement” reconnue même si dans les faits et selon le quartier,l’on peut commencer à se poser des questions.
Bref quand il y a trop à dire, l’on préfère se taire. C’est ce qu’il faut que je fasse…
Tout d’abord, je crois que nous pouvons rendre hommage à l’intégrité et à la rigueur qui caractérisent “notre” administrateur dans l’accomplissement de sa tâche, non sans mérite dans cette société “Babelissime”. Comment y voir clair, quand on est confronté à la mauvaise foi et au mensonge délibéré des uns, à la naïveté et à la sottise des autres, à la prudence, toujours justifiée (mais jusqu’où?), à la peur (compréhensible hélas), au cynisme, à la cupidité, à la passion idéologique…et j’en passe?
Il est probable que certains transmettent de bonne foi des informations fausses. Il est non moins probable que d’autres propagent délibérément des informations tronquées ou carrément fausses, voire en partie vraie présentées sous un jour tendancieux. Allez vous y retrouver!
J’avoue ma perplexité en lisant des informations contradictoires émanant de sources qui ne sont pas à priori suspectes : un long communiqué de Mgr Philippe Tournyol du Clos, archimandrite gréco -catholique melkite de Damas, en date du 20 mai 2012, et les communiqués de L’AED et de l’Oeuvre d’Orient, les uns les autres peu suspects de vouloir tromper l’opinion ( en fin j’espère!), quelques soient les restrictions dans la diffusion des informations, bien ou mal inspirées, dictées par le souci légitime de protéger les communautés chrétiennes.
Il faut pourtant informer, et c’est un rude travail pour ceux qui en sont chargés!
Jonas, çà commence avec le “J” de Judas.. et çà finit pareil…
Et pour lui faire plaisir, je lui mets ce lien que le Père Roucou pourra déguster en s’étranglant : http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=636331
Une amie à moi qui est copte a mis des années avant de me parler des discriminations et des injustices dont ils sont victimes depuis toujours (elle a plus de 50 ans) . Bien avant que tout celà n’éclate au grand jour. Ils se taisent à la fois par pudeur et par peur.
Il faut vraiment être de mauvaise foi pour se demander si les minorités chrétiennes en pays musulman sont malmenées. C’est un secret de polichinelle. d’ailleurs, un jour nous le vivrons nous aussi, et peut-être bien plus tôt que nous ne le pensons.
Je crains aussi qu’un jour les chrétiens ne soient discriminés chez nous ils pouraient vivre ces évenements sans comprendre et se réveilleront trop tard